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Comment le management a traversé la crise sanitaire

Improviser, innover, prioriser… L’épidémie de Covid-19 a bouleversé l’organisation des entreprises et, avec elle, les pratiques des managers et dirigeants d’entreprise. Retour d’expériences avec deux dirigeants lyonnais, Frank Petitdemange et Jérôme Celestin.

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Frank Petitdemange, Jean Bergue et Jérôme Celestin à BFM Lyon : Managers Actuels
Frank Petitdemange, Jean Bergue et Jérôme Celestin à BFM Lyon : Managers Actuels

Managers Actuels BFM Lyon

Improviser, innover, prioriser… L’épidémie de Covid-19 a bouleversé l’organisation des entreprises et, avec elle, les pratiques des managers et dirigeants d’entreprise. Retour d’expériences avec deux dirigeants lyonnais, Frank Petitdemange et Jérôme Celestin.
« Garder son sang-froid ! ». Voilà la clé pour favoriser une sortie de crise réussie selon Franck Petitdemange, directeur régional d’Actual. Durant la crise sanitaire provoquée à l’échelle mondiale par le Covid-19, les pratiques des dirigeants d’entreprise et des managers ont été mises à rude épreuve. Improviser, innover, prioriser… le talent multicarte des décideurs et responsables d’équipes doit s’exprimer de façon exponentielle alors que l’organisation du travail a été profondément bouleversée : en France, le télétravail a concerné quelque cinq millions de salariés pendant les huit semaines de confinement imposées par l’épidémie. Et à ce jour, alors que le déconfinement se poursuit depuis le 11 mai, ils sont encore nombreux ceux qui ne rejoindront pas leur poste de travail avant le mois de septembre.
Au-delà des process et des Plans de continuité d’activité (PCA), le manager a une première mission, essentielle : celle de rassurer. « Les personnes avec lesquelles on travaille, qu’ils soient nos collaborateurs ou nos employés, doivent se rendre compte qu’ils pourront compter sur leur dirigeant ou leur manager », résume Frank Petitdemange. La crise sanitaire a cela de particulier qu’elle peut susciter une peur du risque physique. « Il faut être à l’écoute, mettre en place une structure fiable sur laquelle les gens vont pouvoir s’adosser en se disant : “je peux travailler dans des conditions de sécurité, je suis écouté, on prend soin de moi, donc je n’ai pas de risque. », poursuit le directeur régional d’Actual.
Fixer un cap
Dans d’autres structures, du secteur de l’industrie en particulier, les équipes ont été relativement nombreuses à rester en poste. C’est le cas de l’entreprise régionale Célestin Nettoyage, dont le gérant, Jérôme Célestin, a rassuré par sa présence sur le terrain aux côtés de ses collaborateurs. Lui-même confie qu’il a fallu réagir très vite : « Je dois avouer que je n’étais pas serein en apprenant la fermeture des commerces le samedi soir. Puis, je suis allé faire les fonds de placards de l’entreprise pour trouver le maximum de masques, de gants, tout ce que j’avais à disposition pour les équipes le lundi. Ce jour-là, je leur ai fait un discours fédérateur pour les rassurer, rappeler les gestes barrières et toutes les mesures protectrices qu’ils devaient désormais adopter de façon automatique. »
Jérôme Célestin précise que certains salariés, fragiles, ont été arrêtés ; pour les autres, il a misé sur une présence au quotidien, sans changer ses habitudes hormis le port du masque et des gants. « Un manager doit pouvoir repérer les points forts, les points faibles et donner des objectifs atteignables et réalisables. C’est ce qu’on a essayé de faire pendant la crise », ajoute le dirigeant. 
Frank Petitdemange a, pour sa part, dû davantage gérer “l’éparpillement” des équipes provoqué par le télétravail. Un travail de fond qui passe par une très grande communication : « Il faut être fédérateur et prendre soin de ses collaborateurs, faire en sorte que le lien reste alors que chacun est éloigné des autres. Pour ce faire, il est essentiel de fixer un objectif, un cap », décrit-il.
Des salariés responsabilisés
Rester positif, être à l’écoute tout en gardant le même niveau d’exigence peut relever du numéro d’équilibriste. Cependant, les salariés eux-mêmes apprennent des épreuves et peuvent faire preuve d’une réactivité profitable à la bonne marche de l’entreprise. C’est ce qu’explique Jérôme Celestin lorsqu’il évoque « le grand respect mutuel dont ont fait preuve les salariés en pratiquant les gestes barrières » ou encore la mise en place, toujours par les salariés, « de leur propre process de désinfection des véhicules à chaque fois qu’ils y rentraient et qu’ils en sortaient. Au fur et à mesure, ils se sont tous responsabilisés ».
Frank Petitdemange partage ce constat : « C’est l’une des grandes leçons de cette crise : le fait que chaque personne devient responsable d’elle-même, pour se protéger et protéger les autres. »
Quelle posture alors pour le manager ? « Son attitude, c’est de faire en sorte que la responsabilité soit prise en compte et que chacun prenne soin des autres. C’est un travail psychologique pour faire en sorte que les peurs disparaissent », conclut-il.

RETRANSCRIPTION ÉMISSIONS

Jean Bergue : Bonjour à tous. Aujourd’hui, nous allons parler de management en situation de crise. Nous avons tous vécu et traversé la plus grande crise sanitaire du siècle et nous avons dû aider les hommes et les femmes de nos entreprises à traverser cette crise.

Pour parler de cela, j’ai le plaisir de vous présenter Frank Petitdemange, directeur régional du groupe Actual. Il est accompagné de Jérôme Celestin, gérant de la société Célestin Nettoyage, une entreprise régionale d’une quarantaine de personnes, créée à Lyon il y a plus de trente ans.

Frank Petitdemange, comment avez-vous traversé cette crise du Covid ?

Frank Petitdemange : Dans un contexte comme celui-ci, la première chose à faire en tant que manager ou en tant que dirigeant d’entreprise, c’est de garder son sang-froid. Je pense que c’est capital, afin que les personnes avec lesquelles on travaille, qu’ils soient nos collaborateurs ou nos employés, puissent se rendre compte qu’ils pourront compter sur leur dirigeant ou leur manager.

Jean Bergue : Jérôme Celestin, vous êtes gérant de la société Célestin Nettoyage. Comment, également, avez-vous traversé cette crise ?

Jérôme Celestin : Au début, je dois avouer que je n’étais pas serein en apprenant la fermeture des commerces le samedi soir. Puis, je suis allé faire les fonds de placards de l’entreprise pour trouver le maximum de masques, de gants, tout ce que j’avais à disposition pour les équipes le lundi. Ce jour-là, je leur ai fait un discours fédérateur pour les rassurer, rappeler les gestes barrières et toutes les mesures protectrices qu’ils devaient désormais adopter de façon automatique.

Jean Bergue : Frank Petitdemange, quelles sont les qualités dont doit faire preuve un manager pour aider les équipes lors d’une crise comme celle-ci ?

Frank Petitdemange : Je rebondis sur ce que vous venez de dire car c’est vraiment très important. Il faut être fédérateur et prendre soin de ses collaborateurs, faire en sorte que le lien reste. Pour ce faire, il existe plusieurs choses à mettre en place, mais il est essentiel de fixer un objectif, un cap, de garder ce contact qui est capital dans des conditions de travail complètement nouvelles, celles du télétravail qui fait que chacun se retrouvera éloigné. Des tas de méthodes existent aujourd’hui pour le faire et elles sont capitales dans les situations de crise. 

Jean Bergue : Jérôme Celestin, vous n’avez pas pu faire de télétravail donc pour vous, au niveau opérationnel, quelles étaient les qualités d’un manager pour garder les équipes soudées ?

Jérôme Celestin : Déjà, il a fallu être rassurant : j’étais là tous les matins avec les salariés, je n’ai pas particulièrement changé mes habitudes, à part bien sûr le port du masque et des gants. Ils ont vu que j’étais tous les jours sur le terrain avec eux, comme d’habitude, à organiser. Un manager doit pouvoir repérer les points forts et les points faibles et donner des objectifs atteignables et réalisables. C’est ce qu’on a essayé de faire pendant la crise.

Jean Bergue : Frank Petitdemange, comment garder la motivation de ses salariés ?

Frank Petitdemange : Il peut en effet y avoir une démotivation très forte dans ces moments-là. Tout va dépendre quels sont les salariés concernés, avec qui on travaille. Il y aura une certaine attitude à adopter vis-à-vis de ceux qui sont à leur domicile dans le cadre du télétravail et une attitude différente avec ceux qui sont en présentiel. Ce qui est capital, c’est de renforcer le lien et la communication. Il faudra être à l’écoute, rassurer énormément, mettre en place une structure fiable sur laquelle les gens vont pouvoir s’adosser en se disant : “je peux travailler dans des conditions de sécurité, de qualité, je suis écouté, je suis entendu, on prend soin de moi, donc je n’ai pas de risque.”

Jean Bergue : Comment peut-on gérer la peur du risque au sein des équipes ?

Jérôme Celestin : On a dû arrêter certaines personnes qui étaient fragiles et qui s’estimaient ne pas être en mesure de continuer à travailler. On l’a fait automatiquement donc elles ont constaté qu’on était assez réactif à ce niveau-là. Pour les autres, l’approvisionnement, malgré la pénurie de tous les équipements de protection, les a rassurés, et le fait de rester accessible, d’être là tous les jours pour eux, les a rassurés également. 

Jean Bergue : Quel travail dont-on faire avec les salariés durant cette période pour que tout le monde continue d’avancer dans le même sens, pour qu’on ne se retrouve pas avec soit des gens qui restent sur le côté, soit des gens en plus grande difficulté que d’autres ?

Frank Petitdemange : C’est un travail au quotidien, que l’on soit ou non en période de crise, qui conduit les gens à devenir responsables. C’est l’une des grandes leçons de cette crise : le fait que chaque personne devient responsable d’elle-même, pour se protéger et protéger les autres. L’attitude du manager, c’est de faire en sorte que la responsabilité soit prise en compte et que chacun prenne soin des autres. C’est un travail psychologique pour faire en sorte que les peurs disparaissent.

Jean Bergue : Avez-vous réussi à mettre en place cette responsabilisation individuelle ?

Jérôme Celestin : Les salariés se sont vraiment respectés mutuellement, en respectant les gestes barrières mais aussi, par exemple, en mettant en place leur propre process de désinfection des véhicules à chaque fois qu’ils y rentraient et qu’ils en sortaient. Au fur et à mesure, ils se sont responsabilisés. C’est aussi ce qu’on essaie d’instaurer au quotidien : avoir un maximum de remontées d’informations, grâce à cette responsabilisation.

Jean Bergue : C’est le mot de la fin. Pour conclure, on peut constater que l’on passe d’un management vertical à un management horizontal. Merci à vous d’avoir participé à cette émission.