
Sous la ville, le silence : les Arêtes de poisson, un mystère souterrain raconté en bande dessinée
#bd #MikaëlMignet #SergeAnnequin
Sous la colline, le mystère : « Les Arêtes de Poisson », un secret souterrain lyonnais révélé en bande dessinée
En 1933, la colline de la Croix-Rousse, à Lyon, s’affaisse. Deux éboulements, des caves inondées, des quartiers bouleversés. Ce qui aurait pu rester un simple fait divers géologique se transforme en révélation.
Lors des investigations, les autorités découvrent un réseau de galeries parfaitement tracées, d’apparence antique, profondément enfouies sous le sol urbain. Un labyrinthe énigmatique baptisé « Arêtes de poisson » pour son dessin symétrique et organique. Depuis, le mystère n’a cessé de s’épaissir.
Avec Les Arêtes de poisson, une énigme souterraine, bande dessinée documentaire parue aux éditions Paquet, le scénariste Mikaël Mignet et le dessinateur Serge Annequin remontent le fil d’une affaire à la frontière du réel, du mythe et du refoulé collectif.
Au croisement du polar archéologique, du récit historique et du reportage graphique, l’ouvrage retrace près d’un siècle d’interrogations et de silences autour d’un patrimoine aussi méconnu que fascinant.
Tout commence en pleine crise urbaine. Lyon est alors en pleine modernisation. Lorsque des propriétaires alertent les autorités sur des infiltrations d’eau, on découvre, à la surprise générale, un immense réseau souterrain dont personne ne semble se souvenir.
Trop ancien pour les géologues, trop structuré pour être naturel, trop vaste pour rester une anecdote. Pourquoi ces galeries ont-elles été creusées ? Par qui ? Pour stocker ? Pour fuir ? Pour relier des points stratégiques ?
Les hypothèses abondent :
- carrières antiques,
- refuge religieux,
- réseau militaire,
- voire ouvrage templier
- ou pré-haussmannien.
À mesure que les investigations progressent, l’évidence recule. Et avec elle, la volonté politique d’y voir clair.
Les galeries, classées zone sensible, sont rebouchées. Les archives sont parcimonieuses. La municipalité, mal à l’aise, finit par détourner le regard. Il faudra attendre les années 1980-1990 et l’essor des explorations urbaines pour que les Arêtes refassent parler d’elles, grâce à une poignée de passionnés d’urbex, d’archéologues indépendants et de rêveurs méthodiques.

C’est cette mémoire fragmentée, discontinue, parfois fantasmée, que Mikaël Mignet et Serge Annequin font ressurgir. Fruit de plusieurs années d’enquête, leur bande dessinée alterne récits historiques, portraits de témoins, extraits d’archives, scènes dialoguées et explorations souterraines restituées avec une minutie presque cinématographique.
Le dessin, sobre mais expressif, restitue les volumes écrasants, les murs suintants, les couloirs vides où s’échouent les questions sans réponse.
Scénariste passé par le cinéma et la presse, Mikaël Mignet pose un regard lucide mais sans cynisme sur cette affaire à la fois locale et universelle. Son écriture conjugue précision factuelle et intuition narrative.
Il donne la parole aux acteurs du mystère — scientifiques, élus, riverains, explorateurs — sans chercher à trancher. La BD ne prétend pas livrer de conclusion définitive. Elle documente, reconstitue, doute.

De son côté, Serge Annequin, auteur graphique reconnu pour ses récits atmosphériques (Des fragments de l’oubli, Horlà 2.0), prolonge ici son travail autour de l’invisible, du secret et de l’intime collectif. Son trait clair-obscur guide le lecteur au cœur d’un réseau où l’espace devient narration, et le vide, vecteur de sens.
Car l’enjeu dépasse la simple curiosité souterraine. Les Arêtes de poisson questionne le traitement du patrimoine invisible par les pouvoirs publics.
- Pourquoi avoir dissimulé cette découverte ?
- Pourquoi si peu de recherches officielles, malgré l’ampleur du phénomène ?
Entre négligence, peur de déranger l’ordre urbain ou volonté de masquer une mémoire embarrassante, l’histoire des Arêtes est aussi celle d’une ville en lutte contre ses propres strates.
La BD met en lumière les tensions entre chercheurs et institutions, entre désir de transmission et réflexes de dissimulation. Elle interroge la façon dont une cité fabrique — ou refoule — ses récits fondateurs. En ce sens, le projet dépasse le documentaire : il devient un objet critique, presque politique, sur la gestion de l’héritage commun.

À une époque où la BD documentaire se décline souvent sur des sujets d’actualité sociale ou politique immédiate, Les Arêtes de poisson fait le choix d’un temps long, souterrain comme son sujet. Elle propose une autre forme d’enquête : sensible, errante, patiente. Une enquête sur ce que l’on ne voit plus, sur ce que l’on n’a pas su ou pas voulu raconter.
L’ouvrage s’adresse autant aux amateurs de mystères urbains qu’aux lecteurs férus d’histoire locale, d’urbanisme, d’anthropologie ou de mémoire collective. Il trouve une place rare dans le paysage éditorial : entre narration immersive et restitution méthodique, entre enquête et rêverie, entre Lyon et ses fantômes.








Lyon Éco & Culture donne un bel éclairage à notre bande dessinée consacrée au mystérieux souterrain en « arêtes de poisson » et à sa redécouverte.
Merci à eux pour cet article qui laisse apercevoir quelques-unes de nos intentions quant à la réalisation de ce livre !