Accueil LIVRE Ma maison chez les ploucs : l’absurde comme miroir des fractures françaises

Ma maison chez les ploucs : l’absurde comme miroir des fractures françaises

Ce roman explore le déracinement, l’absurde et la honte sociale à travers un immeuble téléporté bouleversant l’identité fragile d’un notaire parisien.

0
Ma maison chez les ploucs : le premier roman audacieux de Fabian Regairaz
Ma maison chez les ploucs : le premier roman audacieux de Fabian Regairaz

MA MAISON CHEZ LES PLOUCS, Roman de Fabian Regairaz - Éditions Il Est Midi

Ma maison chez les ploucs : quand un immeuble téléporté révèle nos fractures intimes

Ce roman mêle humour noir, absurde et introspection en suivant un notaire bouleversé par la téléportation soudaine de son immeuble provincial.

Il y a des romans qui vous accrochent par leur style, d’autres par leur idée. Ma maison chez les ploucs, premier livre de Fabian Regairaz, publié en octobre 2025 aux Éditions Il Est Midi, combine les deux avec une énergie réjouissante. Et tout commence par un événement impossible à absorber : un immeuble entier de Vincennes, où réside le protagoniste, se retrouve soudain téléporté à 600 kilomètres de là, en plein cœur de Saint-Étienne.

Pas un mouvement progressif, pas une catastrophe identifiée : une disparition nette, puis une réapparition brutale, comme un bug de la réalité.

Ce point de départ délirant ouvre la voie à une comédie existentielle où l’humour noir sert de révélateur. Car ce n’est pas seulement l’immeuble de Louis Vuillerme qui a été transporté : c’est tout son univers, sa façade sociale, ses certitudes.

Ce notaire parisien, snob contrarié et hypocondriaque professionnel, voit son quotidien – si soigneusement contrôlé – basculer dans un chaos qu’il redoute autant qu’il le mérite.

Saint-Étienne, la ville de ses origines qu’il méprise depuis toujours, redevient son décor forcé. Dans ce retour au point de départ qu’il n’a jamais accepté, il se retrouve entouré d’une galerie de personnages aussi disgracieux qu’émouvants :

un beau-père tyrannique, des voisins hostiles, une épouse adepte de rééquilibrage énergétique… et ses propres angoisses, dont une potentielle tumeur testiculaire qui n’arrange rien à la situation.

Mais le roman ne s’arrête pas à la farce. Plus les jours passent, plus l’absurdité devient un vertige. Journalistes en quête de sensationnel, assureurs dépassés et “démons du passé” s’invitent dans ce dérèglement.

Et ce qui s’annonçait comme une comédie sociale se colore progressivement d’une dimension presque métaphysique. Pourquoi cet immeuble ? Pourquoi lui ? Impossible de ne pas voir, dans ce déracinement forcé, l’écho de questions très contemporaines sur l’identité, l’appartenance et la place que l’on cherche à se fabriquer.

Un roman sur le déracinement, l’identité et le choc des territoires

Dans Ma maison chez les ploucs, l’absurde agit comme une loupe. En déplaçant physiquement un immeuble, Regairaz déplace surtout notre manière de regarder les fractures françaises : le mépris territorial, la honte sociale, la difficile frontière entre ascension et reniement.

Louis, projeté dans une ville qu’il associe à la honte, doit affronter ce qu’il a longtemps essayé d’enterrer : ses origines populaires, ses refoulements, ses peurs les plus sourdes.

La grande réussite du roman tient à sa capacité à mélanger les tons. On rit franchement, parfois aux dépens du personnage. Mais derrière le rire, une tendresse affleure. Regairaz ne juge jamais son héros : il l’observe, le secoue, le met face à lui-même, avec une ironie douce qui rend le récit profondément humain.

Le style, fluide et incisif, capte avec précision les mécanismes mentaux d’un homme qui s’accroche désespérément à ses illusions. Les scènes s’enchaînent avec un rythme quasi cinématographique : dialogues vifs, introspections comiques, situations absurdes qui tournent mal. On lit d’une traite, sans jamais décrocher.

Et surtout, l’auteur n’oublie jamais ce qui se joue derrière la fantaisie : la question de savoir si l’on peut réellement fuir ce que l’on est, ou si nos territoires intérieurs nous rattrapent toujours.

Un premier roman prometteur qui mêle satire sociale et vertige intime

Avec ce premier roman audacieux, Fabian Regairaz — 50 ans, notaire en région parisienne — s’impose comme une voix singulière. Un écrivain qui sait faire rire tout en révélant nos fissures, qui ose la caricature sans perdre l’humain. Ma maison chez les ploucs est une comédie grinçante qui parle à tous ceux qui ont tenté d’échapper à leurs racines… et à tous ceux qui savent qu’on n’y échappe jamais vraiment.

Un livre vif, drôle, intelligent, derrière lequel se cache un regard tendre sur nos manières, parfois maladroites, de survivre à nous-mêmes.

Informations pratiques

Titre : Ma maison chez les ploucs

Auteur : Fabian Regairaz

Éditeur : Éditions Il Est Midi

Date de publication : Octobre 2025

Format : Broché — 208 pagesPrix : 20 € TTCISBN : 978-2-494282-85-8

Ma maison chez les ploucs
Ma maison chez les ploucs

Laisser un commentaire