Europe industrielle : le plan franco-allemand en 7 mesures pour relancer le Mittelstand
METI et BVMW : un plan d’urgence pour renforcer les entreprises de taille intermédiaire
Face à la désindustrialisation, Paris et Berlin veulent placer le Mittelstand européen au cœur d’une stratégie industrielle durable et compétitive.
Face à la guerre économique entre géants et à la menace d’une désindustrialisation accélérée, le METI et le BVMW lancent depuis Paris un appel en sept points pour placer les PME et ETI au cœur d’une stratégie industrielle continentale ; simplification réglementaire, convergence fiscale, solidarité énergétique, préférence pour le « produire en Europe » et bouclier anti-dumping composent une feuille de route pragmatique et pressante.
En Souabe, Miele fabrique depuis plus d’un siècle des appareils électroménagers haut de gamme qui se transmettent de génération en génération.
En Occitanie, Figeac Aéro produit des pièces d’aéronautique qui équipent Airbus et Boeing, tout en restant profondément ancré dans son territoire rural.
En Lombardie, le groupe Brembo s’est imposé comme le leader mondial des systèmes de freinage, innovant sans relâche tout en conservant son ancrage familial.
Trois histoires différentes mais une même réalité : celle de ce Mittelstand européen, ce tissu de quelque quarante mille entreprises industrielles, familiales, exportatrices, qui forment l’ossature productive du continent.
Leur poids est considérable, mais leur reconnaissance politique reste limitée. C’est ce paradoxe que dénonce l’Appel de Paris lancé le 1er septembre par le METI et son homologue allemand, le BVMW.
Pour ses signataires, l’Europe ne peut plus se contenter de vitrine : son marché de 450 millions de consommateurs est menacé de désindustrialisation accélérée, marginalisé par la rivalité sino-américaine et fragilisé par la fragmentation des chaînes de valeur mondiales.
« Nos entreprises n’ont plus le temps d’attendre », préviennent-ils, en appelant à une mobilisation immédiate autour de ce Mittelstand qui a fait la force industrielle de l’Allemagne et pourrait devenir le socle d’une stratégie européenne.
Le texte propose sept mesures concrètes.
- Reconnaître d’abord ces ETI en élargissant la catégorie des Midcaps jusqu’à 5 000 salariés.
- Simplifier radicalement un empilement de normes qui freine leur compétitivité, de la CSRD à la directive sur la transparence salariale.
- Engager une convergence fiscale et sociale entre la France et l’Allemagne dès 2026 pour rapprocher la fiscalité de production et le coût du travail qualifié.
- Aligner les prix de l’énergie sur les standards les plus compétitifs et décarbonés.
- Introduire une préférence pour le « produire en Europe » dans la commande publique, assortie de critères environnementaux exigeants.
- Supprimer les droits de transmission et de succession sur les actifs productifs pour protéger l’actionnariat familial.
- Enfin, créer un bouclier anti-dumping qui permette aux industriels de saisir directement Bruxelles face aux importations déloyales.
Pour une entreprise comme Figeac Aéro, qui exporte 85 % de sa production, la simplification réglementaire et la compétitivité énergétique sont vitales.
Pour Miele, qui veut rester un fabricant européen de référence face à la concurrence asiatique, la protection de l’actionnariat familial et la transmission intergénérationnelle sont cruciales. P
our Brembo, qui doit investir massivement dans les nouvelles technologies de freinage électrique et connecté, un marché européen capable de soutenir la production locale à travers la commande publique est un levier stratégique.
Ces exemples incarnent les promesses de l’appel. Mais derrière les propositions techniques se joue une bataille culturelle. En choisissant de brandir le mot Mittelstand, les signataires ne plaident pas seulement pour un programme industriel : ils veulent ériger un modèle.
Celui d’entreprises à taille humaine mais capables de rivaliser à l’international, de concilier innovation et ancrage territorial, transmission familiale et investissement dans l’avenir.
Ce modèle n’est pas propre à l’Allemagne ; il irrigue toute l’Europe, de la mécanique de précision polonaise aux industries textiles portugaises. Et il pourrait devenir l’armature d’un patriotisme économique européen.
Reste à franchir l’obstacle politique. Car chaque mesure de l’appel touche à des sujets explosifs : convergence fiscale, préférence continentale dans les marchés publics, protection du capital familial, protectionnisme sélectif.
Ces thèmes heurtent les dogmes de la concurrence libre et non faussée, et risquent d’attiser les divergences entre États membres. La réussite dépendra autant de la volonté politique que de la capacité à convaincre que l’urgence industrielle impose un changement de cap.
Pendant ce temps, dans leurs ateliers et leurs bureaux d’études, Miele, Figeac Aéro, Brembo et tant d’autres continuent de produire, d’innover, d’exporter, mais aussi de douter. Leurs dirigeants savent que sans un soutien structuré, leurs modèles risquent d’être engloutis par la vague de concurrence mondiale.
Le Mittelstand n’est pas une abstraction : ce sont des milliers d’entreprises, des millions d’emplois, et une Europe industrielle qui pourrait disparaître si elle ne se réinvente pas.
La vérité est simple : l’Europe n’aura pas de puissance sans industrie, et pas d’industrie sans Mittelstand. La question n’est plus de savoir si le continent peut survivre dans la mondialisation, mais s’il veut y jouer un rôle actif ou se condamner à devenir une périphérie de l’histoire.
L’Appel de Paris, au-delà des mesures techniques, pose cette alternative sans fard. Soit l’Europe assume enfin de bâtir une souveraineté économique à partir de ses forces discrètes mais vitales, soit elle continuera à perdre ses usines, ses compétences et, avec elles, une part de son identité.
Le Mittelstand n’est pas une nostalgie : il est peut-être la dernière chance de projeter l’Europe dans l’avenir.








