Sharp Vision primée au Talent Awards FDDay 2025 pour sa lutte innovante contre les plateformes illégales

Sous les guirlandes lumineuses des Pavillons de Bercy, dans la cour extérieure du Musée des Arts Forains, le cadre avait des allures de fête foraine. Pourtant, ce soir-là, c’est l’avenir de la tech française qui se jouait.

Lors de la cérémonie des Talent Awards du France Digitale Day, Sharp Vision, une start-up parisienne de vingt salariés, a été couronnée pour avoir mis au point une arme numérique contre les casinos illégaux en ligne.

Une reconnaissance inattendue pour une petite équipe devenue en quelques années un acteur clé d’un marché mondial où même les États peinent à reprendre la main.

Derrière les plateformes de jeux sous licence prospère en effet une économie parallèle tentaculaire. Selon les estimations, entre 40 et 80 % des mises circulent encore dans les circuits illégaux, privant les finances publiques de recettes considérables et exposant les joueurs à des risques sans contrôle.

Ces sites, souvent hébergés à l’étranger, réapparaissent presque aussitôt fermés, sous une nouvelle adresse à peine différente. Une hydre numérique qui défie les régulateurs depuis des années.

Sa solution, fondée sur l’intelligence artificielle, repose sur un maillage inédit de micro-serveurs et de VPN déployés dans la quasi-totalité des pays. L’algorithme scanne en continu les sites accessibles depuis un territoire donné, identifie ceux qui sont illégaux et en signale la fermeture.

Depuis son lancement début 2025, plus de 62 000 sites ont été passés au crible et près de 500 plateformes illégales bloquées, dont plus de 300 au Sénégal, en moyenne plus 20.000 sites chaque mois. Une première mondiale, affirment ses concepteurs.

C’est justement en Afrique que l’entreprise a construit son savoir-faire. Le Sénégal a été le premier pays à adopter sa solution en 2021, suivi du Bénin, de la Guinée et du Mali.

Ces déploiements ont déjà permis de récupérer des dizaines de millions d’euros de recettes fiscales. En tissant des liens étroits avec plus de quarante opérateurs de mobile money, de M-Pesa à Airtel, et une vingtaine de sociétés de paris sportifs, Sharp Vision s’est installée au cœur de l’écosystème du jeu en ligne africain.

Elle traite aujourd’hui plus de 2 000 milliards de dollars de transactions par an, un chiffre vertigineux pour une structure de cette taille. Le plus étonnant est que cette technologie n’était pas prévue.

Elle est née lors d’un hackathon interne, une journée offerte aux développeurs pour expérimenter de nouvelles idées. Ce qui n’était qu’un prototype improvisé est devenu, en quelques mois, le produit phare de l’entreprise, tant la demande des régulateurs s’est révélée pressante.

Le prix reçu à FDDAY vient aujourd’hui sceller cette mue : d’innovation de circonstance, l’outil est devenu une référence mondiale.

Pour Sharp Vision, cette distinction marque un tournant. Elle ne se limite pas à un trophée : elle confère une crédibilité nouvelle auprès des investisseurs, ouvre des perspectives en Europe et en Amérique latine et offre une vitrine prestigieuse avec une participation prévue à Techarena 2026, à Stockholm.

L’ambition affichée est désormais de bâtir un hub international de coopération entre régulateurs, afin de mutualiser la lutte contre l’économie souterraine du jeu en ligne et d’orchestrer une riposte coordonnée à l’échelle mondiale.

Le chemin reste semé d’embûches. L’Europe, avec ses réglementations fragmentées et ses lobbies puissants, n’est pas un terrain simple.

L’Amérique latine offre des opportunités, mais la stabilité réglementaire y est incertaine. Pourtant, l’enjeu dépasse largement le secteur du jeu. Ce qui se joue ici, c’est une bataille de souveraineté numérique.

De Dakar à Paris, de la marge au centre du jeu, la start-up s’installe désormais dans la cour des grands.