
Prévention du cancer : le rôle clé du CIRC dans l’économie de la santé
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Prévention du cancer : le rôle clé du CIRC dans l’économie de la santé
Un événement discret mais symbolique a marqué un jalon majeur dans l’histoire de la diplomatie scientifique mondiale. Le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC), agence spécialisée de l’Organisation mondiale de la Santé, a célébré ses 60 ans, ce mercredi 7 mai. Loin des projecteurs, cette institution a pourtant façonné, année après année, les fondations de la prévention du cancer à l’échelle planétaire.
Créé en 1965, le CIRC n’a jamais eu pour vocation de développer des traitements ni de signer des brevets.
Sa mission est d’un autre ordre : comprendre les causes du cancer chez l’être humain, identifier les facteurs de risque et produire des données scientifiques solides, exploitables par les pouvoirs publics.

« Depuis 60 ans, le CIRC place la science au service de la prévention du cancer, avec une ambitionconstante : réduire l’impact de cette maladie à l’échelle mondiale. Cet anniversaire est aussil’occasion de réaffirmer notre engagement pour les décennies à venir.
La coopérationinternationale est au cœur de notre mission et reste aujourd’hui la clé de notre efficacité face auxenjeux mondiaux de santé publique », souligne Dr Elisabete Weiderpass, Directrice du CIRC
C’est cette logique, rigoureuse et patiente, qui a permis à l’agence de devenir une référence dans le domaine de l’épidémiologie et de la santé publique. Ses publications, en particulier les célèbres monographies sur les agents cancérogènes, sont aujourd’hui considérées comme des documents de référence par les régulateurs du monde entier.
Installée depuis ses débuts à Lyon, l’agence s’est récemment dotée d’un nouvel écrin : un bâtiment ultra-moderne au cœur du Biodistrict Lyon-Gerland, inauguré en 2023, où se côtoient 300 chercheurs venus de plus de 60 pays.
Le site abrite aussi une ressource rare : une biobanque de 10 millions d’échantillons biologiques, utilisée pour mieux comprendre les liens entre génétique, environnement, comportements et déclenchement des cancers.
Ce capital scientifique, renforcé par les avancées en bio-informatique et en intelligence artificielle, permet aujourd’hui au CIRC d’anticiper les évolutions de l’épidémie de cancer, notamment dans les pays à revenus intermédiaires où l’incidence explose.
Mais la vraie puissance du CIRC réside peut-être dans sa capacité à influencer, sans imposer. Lorsque l’agence classe une substance comme « probablement cancérogène« , ses conclusions sont reprises, parfois contestées, souvent décisives. Ce fut le cas pour le glyphosate, l’aspartame, les nitrites ou encore les particules fines.
Le Centre agit en amont des régulations, fournissant aux États les preuves scientifiques qui fondent les décisions politiques, parfois à l’encontre de puissants intérêts industriels.

Ce positionnement atypique dans le paysage international en fait un régulateur sans mandat réglementaire, mais avec un poids réel dans les arbitrages. C’est aussi ce qui fonde sa légitimité. Ni militant, ni institutionnel au sens classique, le CIRC occupe une zone rare : celle de la connaissance scientifique déconnectée des cycles électoraux, capable de projeter les risques sanitaires à vingt ou trente ans.
Dans un monde où la défiance envers la science et les autorités explose, cette posture lui confère une autorité d’autant plus précieuse.
Avec l’entrée du Portugal comme 30e État membre, le CIRC renforce son réseau diplomatique. Il participe aujourd’hui à des projets dans plus de 150 pays, souvent en lien avec des ministères de la santé, des universités ou des ONG locales. L’enjeu est clair : diffuser les outils de prévention, harmoniser les indicateurs, former les futurs cadres scientifiques.
Depuis sa création, des milliers de chercheurs ont été formés au sein de ses murs, dont plus de 300 jeunes scientifiques en début de carrière rien qu’au cours de la dernière décennie.
Si le cancer pèse chaque année plus de 1 000 milliards de dollars sur l’économie mondiale, la prévention reste, selon les experts, l’investissement le plus rentable et le plus sous-utilisé. Une récente étude de l’OMS et de l’OCDE estime que chaque euro investi dans la prévention du cancer peut générer un retour de deux à trois euros à moyen terme.
Le travail du CIRC — qu’il s’agisse de cartographier les risques, d’évaluer l’efficacité des campagnes de vaccination ou de recommander des seuils d’exposition — alimente ainsi une logique de santé publique orientée vers la soutenabilité. En creux, c’est une réflexion sur l’économie de la donnée, de la connaissance, et du long terme qui s’impose.
Tout au long de 2025, l’agence multipliera les événements pour rendre visible cette mission : colloques scientifiques, partenariats éducatifs, interventions dans les grandes conférences internationales.
À Lyon, une allée voisine du Centre a été renommée en hommage à la cancérologue Véronique Trillet-Lenoir. Un geste local, mais porteur de sens pour une organisation qui combine ancrage territorial et action mondiale.
En fêtant ses 60 ans, le CIRC ne regarde pas seulement dans le rétroviseur. Il réaffirme sa place dans un écosystème où la science, l’économie et la santé sont désormais indissociables. Face à une pathologie qui deviendra, selon l’OMS, la première cause de mortalité dans le monde d’ici à 2030, le Centre lyonnais poursuit son œuvre silencieuse, mais essentielle : produire du savoir pour éviter le coût de l’inaction.