Art contemporain et recyclage : comment Yannick Dauverchain crée des œuvres pop en 3D
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Screw pop’art : l’incroyable technique de Yannick Dauverchain pour créer des portraits en relief
Dans une époque saturée d’images lisses et d’algorithmes créatifs, un homme, dans un atelier du nord de la France, a choisi la résistance du bois brut et le cliquetis obstiné de la visseuse pour faire naître des portraits.
Yannick Dauverchain, dessinateur en bureau d’études le jour, artiste du relief la nuit, s’est inventé une pratique plastique radicale : le screw pop’art. Un nom étrange, né sur le tard, en décembre 2023, pour désigner une approche qui ne ressemble à aucune autre.
Ici, pas de pinceaux traditionnels, pas de logiciels, pas de reproduction. Seulement du bois, du métal, de la peinture, et un geste, répété des centaines de fois, presque jusqu’à l’obsession : visser.
Autodidacte, sans école ni manifeste, il construit ses œuvres comme on bâtit un mur ou comme on sculpte un totem. Une planche en bois de récupération, souvent marquée par le temps. Des vis, alignées, enfoncées à la main, une à une, pour dessiner des contours.

Puis la couleur, déposée au pinceau, à la bombe ou au pochoir, dans des gestes bruts, nerveux ou délicats. Il ne peint pas ses portraits, il les érige. Ce qui apparaît alors, en volume, ce sont des figures familières.
Elvis, Dalí, Gainsbourg, ou des silhouettes anonymes dont le regard accroche le nôtre. Des icônes de la mémoire collective passées à travers un filtre industriel, déformées, reconstruites, sublimées par le choc entre l’organique et le mécanique.
Le résultat, troublant, oscille entre sculpture murale, street art, art brut et collage. On ne sait jamais trop si l’on regarde une image ou un objet. Le regard circule, hésite, revient. La surface du tableau vibre, accrochée par la lumière, transpercée par le métal.
Les vis, comme autant de pixels métalliques, recomposent une trame mouvante, parfois douce, parfois rugueuse. Le bois, lui, n’est jamais neutralisé.
Ses veines, ses nœuds, ses accidents participent pleinement à l’image. L’œuvre n’efface pas son support, elle le convoque. Elle raconte, aussi, une histoire de gestes.
Chaque vis posée est une décision, un choix plastique, mais aussi une trace du temps passé sur l’œuvre. Rien n’est automatisé, tout est manuel. Le rythme de production est lent, volontairement.
Une œuvre peut prendre une dizaine de jours, parfois plus. Et aucune n’est reproductible.

Yannick Dauverchain a commencé presque par hasard. En 2017, il cherche une activité manuelle pour décompresser de son travail dans le dessin technique. Il récupère des palettes, visse un logo.
Le geste naît sans préméditation. Mais quelque chose s’impose : une sorte de plaisir physique à composer avec les matériaux, à faire surgir l’image d’une tension entre la main et la matière.
Il ne quittera plus cette pratique. Année après année, il affine sa technique, sans jamais chercher à la théoriser. Ce n’est qu’à l’hiver 2023 qu’il pose un mot sur ce qu’il fait. Screw pop’art.
Un clin d’œil au pop art, bien sûr, dont il détourne les codes, mais aussi une affirmation discrète d’un territoire qu’il s’invente seul.
Aujourd’hui, ses œuvres voyagent. Elles ont été exposées à Bruxelles, Honfleur, Cambrai, Le Touquet. La presse locale l’a repéré.
Le magazine Art 4 Any lui a consacré un portrait. Un garage lui a commandé une pièce sur mesure. Les collectionneurs privés s’y intéressent, attirés par cette fusion atypique entre design industriel, geste artisanal et culture populaire.
Sur les réseaux, il partage son travail, étape par étape, sans mise en scène excessive. Il ne cherche pas à faire le buzz. Il construit, au contraire, une relation lente et fidèle avec ses spectateurs. Et il garde ses rêves simples mais profonds : faire circuler son art dans les lieux qui lui parlent.
Les usines, les entreprises, les espaces où la matière a encore un sens. « J’aimerais sortir l’art des galeries, le ramener là où les gens travaillent avec leurs mains », confie-t-il.

Derrière la sobriété du discours, il y a pourtant quelque chose de puissant. Steel & Wood – c’est ainsi qu’il signe ses œuvres – ne cherche pas à plaire ni à correspondre. Il n’imite rien, ne cite personne. Il invente un langage. Celui du relief pictural, à la fois graphique et physique.
À une époque où la plupart des images sont consommées en deux secondes sur un écran, son travail exige qu’on s’arrête. Qu’on regarde. Qu’on tourne autour. Il propose une esthétique de la friction : entre passé et présent, matière brute et figures populaires, art et artisanat.
Ce qui émerge alors, lentement, c’est une œuvre qui ne ressemble à aucune autre. Une œuvre du geste, de la patience, de la tension maîtrisée. Un art où chaque vis est une note, chaque planche une partition. Et où l’icône, familière, se transforme en présence.