L’opéra au salon : un festival lyrique s’invite au musée Jacquemart-André
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L’opéra au salon : un festival lyrique s’invite au musée Jacquemart-André
Au cœur du très chic 8ᵉ arrondissement de Paris, derrière la façade Second Empire du Musée Jacquemart-André, une révolution feutrée s’apprête à éclore. Entre toiles italiennes, dorures et boiseries, quatre soirées lyriques se succéderont cet été dans ce décor d’un autre siècle, donnant naissance à la première édition du Festival Lyrique de Paris.
Imaginé par Opera a Palazzo, le projet ne se contente pas d’ajouter un événement à l’agenda culturel déjà dense de la capitale : il en propose une redéfinition. L’opéra ne sera ni sur une grande scène ni amplifié à outrance, mais murmuré au creux des salons, à quelques mètres du public, dans une intimité presque vertigineuse.
Une manière d’abolir les barrières entre art et spectateur, en convoquant à la fois l’émotion, la proximité et la beauté d’un lieu patrimonial méconnu du grand public.
L’idée n’est pas née par hasard. Depuis 2021, Opera a Palazzo explore une autre manière de faire résonner le lyrique à Paris, en s’inspirant de l’expérience vénitienne Musica a Palazzo, où des opéras sont donnés dans des palais privés.
Plus de 100 représentations et 7 000 spectateurs plus tard, le succès est là : l’opéra en petit comité, sans fosse ni rideau rouge, séduit un public à la recherche d’authenticité et de sens. Fort de cette dynamique, le nouveau festival entend passer à la vitesse supérieure : ne plus seulement offrir un opéra dans un lieu insolite, mais bâtir un cycle pensé comme un tout, une expérience artistique complète où le lieu, la musique, la scénographie et la narration dialoguent à parts égales.
Quatre soirées, quatre univers
Le programme, dense et raffiné, s’articule autour de thématiques fortes qui s’adressent autant aux néophytes qu’aux passionnés.
Le jeudi 3 juillet, la soirée “Portraits de femmes” ouvrira le bal en écho à l’exposition Artémisia, Héroïne de l’Art, présentée dans les mêmes murs.
On y entendra Carmen, Suzanna, les héroïnes de Gershwin, mais aussi la voix trop rare de la compositrice Augusta Holmès, dans une fresque musicale traversée par des figures féminines de caractère.
Le samedi 5 juillet, l’amour prendra le relais avec “Les grandes scènes d’amour de l’opéra italien”, hommage passionné aux grands duos lyriques de Verdi, Donizetti, Bellini ou Puccini.
Le jeudi 10 juillet, Mozart régnera en maître avec une soirée consacrée à ses airs les plus célèbres (La Flûte enchantée, Don Giovanni, Così fan tutte), avant que le festival ne se conclue
le samedi 12 juillet par un vibrant hommage à l’opéra français, de Gounod à Bizet, en passant par Delibes, Massenet et Offenbach.
Le concept repose sur une alchimie singulière : l’alliance d’un lieu patrimonial exceptionnel – le Musée Jacquemart-André, bijou d’architecture et de collection du XIXᵉ siècle – et d’un format volontairement resserré. Le public, installé au plus près des artistes, se voit offrir une expérience quasi immersive.
Chaque soirée dure 1h30, entrecoupée d’un entracte de 30 minutes qui n’est pas un simple interlude, mais un moment d’exception : coupe de champagne à la main, les spectateurs sont invités à explorer librement les collections permanentes du musée, habituellement inaccessibles de nuit.
Le chant lyrique n’est plus un objet sacré sur scène, il devient un événement vivant, inscrit dans l’espace, presque tactile.
La réussite de cette proposition tient aussi à la qualité de son plateau vocal. Le casting réunit des artistes issus des plus grandes institutions lyriques européennes :
- Emilie Rose Bry, soprano franco-américaine entendue au Theater an der Wien et au Liceu de Barcelone ;
- Armelle Khourdoïan, passée par l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris ;
- Sophie Pondjiclis, mezzo à la carrière internationale ;
- Séraphine Cotrez, jeune révélation du circuit européen ;
- Yu Shao, ténor formé à Shanghai et à la Chapelle musicale Reine Elisabeth
- Benoît Gadel, baryton éclectique du baroque au romantisme ;
- Marc Souchet, baryton verdien aux accents puissants.
Le tout accompagné par les pianistes cheffes de chant Katia Weimann et Yuko Osawa, toutes deux distinguées par la Fondation Royaumont.
Ce Festival Lyrique de Paris, qui propose des places de 38 à 170 euros selon les catégories, veut démontrer que l’opéra peut être à la fois exigeant et accessible, noble et simple, populaire dans le sens le plus élevé du terme.
À rebours d’un certain élitisme souvent reproché au genre, il réinvente la forme sans renier le fond.
Il crée du lien. Il fait de l’opéra un art partagé, vibrant, immédiat. En cela, il n’est pas qu’une initiative originale, mais un signal fort : l’opéra peut se réinventer sans se trahir, à condition de rétablir ce qui en constitue le cœur battant – la voix, l’émotion, et le regard direct du spectateur.
Dans un été où Paris sera sous les projecteurs du monde entier, le Festival Lyrique de Paris n’a pas vocation à rivaliser par la démesure. Il propose, au contraire, une parenthèse précieuse. Un rendez-vous rare, délicat, profondément incarné. Peut-être est-ce là le vrai luxe culturel : l’attention, la proximité, l’instant.
